Entretien avec Madame Blandine Yaya: «Le REPSFECO œuvre pour la participation des femmes dans tous les processus de paix»
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nstallé au Bénin depuis le 16 mai 2014, le Réseau paix et sécurité des femmes dans l’espace Cedeao (REPSFECO) œuvre pour la participation des femmes dans tous les processus de paix. Dans cette interview exclusive accordée à votre site, la Présidente de la section Bénin, Madame Blandine SINTONDJI épouse YAYA revient sur la genèse de ce réseau créé en Juillet 2009 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Les activités menées par sa section dans le cadre de la protection et la promotion des droits des femmes au Bénin, les projets du Réseau ainsi que sa collaboration avec les Organisations de défense des droits humains notamment des femmes sont aussi les grands points abordés au cours de cette entrevue.
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Madame Blandine SINTONDJI YAYA, pouvez-vous nous présenter brièvement votre Organisation?
Depuis quelques décennies, l’Afrique de l’Ouest a été le théâtre de conflits armés. On peut citer les cas du Togo, du Mali, de la Côte d’Ivoire, de la Sierra Léone, etc. Lors de ces conflits, on constate que ce sont les femmes et les enfants qui sont les principales victimes. En effet, les femmes sont non seulement tuées mais elles font également objet de violences sexuelles, d’agressions sexuelles notamment de viol. Après ces conflits, vous allez voir des femmes enceintes de personnes inconnues parce que souvent c’est des viols collectifs. Mais lorsque le moment vient de gérer ces conflits, on constate que les besoins spécifiques des femmes ne sont pas pris en compte. Face à constat, le Centre de la Cedeao pour le développement du genre a initié un atelier au Ghana à Accra en 2007. A l’issue cette rencontre à laquelle avaient pris part beaucoup d’Organisations de femmes venues de tous les pays de la Cedeao pour réfléchir sur la question, des recommandations ont été faites. Et l’une des principales recommandations, c’est de mettre en place un Réseau de femmes qui s’occupe des questions de paix et de sécurité. A partir de ce moment, le processus est lancé et le réseau a été mis en place à Abidjan en Côte d’Ivoire en Juillet 2009. Il est présent dans tous presque tous les pays de la Cedeao. L’antenne du Bénin a vu le jour le 16 mai 2014. C’est dire donc que le REPSFECO-Bénin a déjà quatre ans de vie dans notre pays.
Quels sont les objectifs et les activités déjà menées par votre réseau depuis qu’il existe au Bénin?
En mettant en place ce réseau, c’était surtout de contribuer à la participation des femmes dans les processus de paix. Quand on parle de processus de paix, on voit la prévention des conflits, la gestion des conflits, le maintien de la paix et la consolidation de la paix. Effectivement, le Bénin est un pays de paix. Maintenant, il faut travailler à prévenir les conflits et c’est ce que à quoi nous nous attelons depuis la création du réseau. Nous menons des activités de promotion des droits des femmes dans différents domaines.
Comme activités, nous avons déjà renforcé les capacités des membres des Organisations de la société civile (OSC) sur quelques résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui se penchent sur la question de femme, paix et sécurité. Il s’agit notamment des résolutions 1325 et 2242. Nous travaillons également pour la promotion des jeunes dans les processus de paix. Et par rapport à ça, il y a la résolution 2250 qui se penche sur la thématique ‘’Jeune, paix et sécurité’’.
Nous avons également renforcé les capacités des femmes syndicalistes. Puisque les syndicalistes sont souvent en négociation avec le Gouvernement, il était important de leur apprendre comment négocier afin de prévenir les conflits. Nous avons répété la même formation à l’endroit des femmes militaires au nombre de 71 à Cotonou et à Parakou. Les professionnels des médias ont été aussi pris en compte. L’année dernière, on a beaucoup travaillé avec les femmes journalistes membres de la Cellule des femmes de l’Union des professionnels des médias du Bénin (CFU). Nous avons renforcé leurs capacités sur les trois résolutions et des contrats ont été signés avec certains organes de presse pour la vulgarisation de ces résolutions.
Quid des trois résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies?
La résolution 1325 a été la première que les Nations ont adoptée dans le domaine de femme, paix et sécurité. Elle repose sur quatre piliers essentiels que sont : la prévention des conflits au niveau local, communal, national, régional et international; la promotion et la protection des droits des femmes notamment la prévention des agressions sexuelles; la participation des femmes dans tous les processus de paix; et la poursuite des auteurs de violences sur les femmes.
Quant à la résolution 2242, elle se penche surtout sur la lutte contre les violences sexuelles à l’égard des femmes. A ce niveau, il est interdit rigoureusement d’exercer ces violences sur les femmes. En effet, le constat est que c’est les membres de l’armée qui vont pour les opérations de maintien de la paix qui s’adonnent parfois à ces pratiques. Cette résolution a prévu des sanctions très sévères à l’encontre des auteurs des violences sur les femmes.
S’agissant de la résolution 2250, elle est consacrée aux jeunes, la paix et la sécurité. Cette résolution est comme la résolution 1325 pour les jeunes. Ainsi, les jeunes doivent participer aux opérations de prévention des conflits, de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, à tous les processus de paix et œuvrer également pour la poursuite des auteurs des agressions sexuelles à l’égard des femmes et des filles.
Quels sont vos projets?
Actuellement, nous sommes en train de mettre en œuvre dans la commune de Houéyogbé le projet FoSIR de la Maison de la Société Civile et de la Coopération Suisse. Ce projet vise la participation des citoyens dans les mécanismes de développement de leurs communes. Nous sommes également dans la commune de Sakété pour l’accès des femmes à la terre avec un projet dénommé ‘’Pour un accès accru des femmes à la terre’’. Il s'agit de ces deux projets pour le moment.
Que pensez-vous du phénomène des grossesses précoces en milieu scolaire au Bénin et que fait votre Organisation pour lutter contre ce phénomène?
Le problème est devenu alarmant ces dernières années. Beaucoup d’Organisations sur toute l’étendue du territoire national mènent déjà la lutte contre le phénomène des grossesses précoces en milieu scolaire qui ternit par ricochet l’image du Bénin. Mais le constat est que les choses n’ont pas véritablement changé mais nous devons poursuivre les séances de sensibilisation. Notre Réseau est membre du Forum des Organisations de défense des droits de l’enfant (Fodeb). Entant que membre, nous avons avec d’autres Organisations, mené des activités dans des collèges de Cotonou et environs. Nous avons fait également des émissions radios pour sensibiliser les élèves aussi bien les filles que les garçons sur les causes et conséquences des grossesses précoces. Nous n’avons pas occulté le corps enseignant et les autorités des établissements dans notre sensibilisation.
Les parents ont-ils une part une responsabilité dans l’ampleur de ce phénomène?
Les parents ont bel et bien une part de responsabilité dans l’ampleur ce phénomène. C’est pourquoi, nous devons poursuivre la sensibilisation à leur égard parce que nous avons constaté qu’ils ont démissionné. Ils ne veulent plus prendre en charge les enfants. Le sexe ne doit plus être un sujet tabou. Malheureusement, nous constatons que le sexe continue d’être un sujet tabou dans les foyers si bien que la fille ne prend que les conseils de l’extérieur. Alors que c’est les parents qui devraient l’orienter, lui donner les conseils qu’il faut et la mettre sur la bonne voie. Ils doivent beaucoup discuter leurs enfants. Il faut que les parents prennent leurs responsabilités d’entretien de leurs filles.
Comment se passe la collaboration avec les autres Organisations qui militent aussi en faveur de la promotion et la protection des droits des femmes?
Avec les autres Organisations de défense des droits de l’homme en général et des femmes en particulier, la collaboration se passe très bien. Nous sommes tout le temps ensemble avec la Rifonga, Wildaf-Bénin, et Social Watch Bénin. Ils nous invitent tout le temps à leurs ateliers et vice-versa. On se rencontre également très souvent aux réunions organisées par le Ministère en charge des affaires sociales. Aussi, le Ministère nous invite souvent à ces ateliers ou à des appels à projet, etc.
Votre mot à l’endroit des autorités et des femmes surtout.
La femme est une actrice née de la paix. Généralement, on dit qu’il y a la paix quand la femme est quelque part. Les femmes n’ont qu’à continuer à exercer ce rôle dans leurs communautés, à faire en sorte que la paix règne. Il faut que les droits humains soient aussi respectés dans nos pays par les différents organes qui constituent les Institutions de la République. En réalité, la paix règne quand les droits humains sont respectés. C’est ce à quoi je veux appeler nos autorités même au plus haut niveau afin que le Bénin continue d’être toujours appelé pays de paix.
Merci!